Le taïko est un instrument confortable, pratique à transporter et qui vous garantit un bon rapport avec vos voisins. On aimerait que ce soit comme ça, hein ? Mais en fait, il faut vraiment l'aimer cet instrument pour se coller tous les problèmes de "logistique" qui vont avec ! Et les "malheureux" qui en achètent un pour pratiquer à la maison ? Tu le poses dans le salon et tu dois virer le canapé. Je vous jure, chez moi on a choisi entre un taïko et la table basse. On y pose l'apéro et tout. Le tambour est si grand qu'il fait bureau. J'écris mes textes dessus.
Mais qui a eu cette idée géniale de faire un orchestre de tambours aussi gros ? Et lourds, en plus ! C'est eux, bien sûr. Les mégalomanes du continent asiatique, les experts en Complication-Affaires-Simples : les chinois ! Pour te dire la modestie des chinois, sache juste qu'ils avaient 5 points cardinaux et pas 4 : nord, sud, est, ouest et … centre ! Et qui c'est qui se trouvait au centre ? La Chine, justement ! Qui d'autre ? Même l'idéogramme qui indique la Chine, signifie "Le pays qui se trouve au centre".
Les chinois avaient des tambours d'enfer déjà au onzième siècle avant J.-C., c'est-à-dire il y a plus de 3000 ans. Pendant 15 siècles ils évoluent un peu dans tous les sens : système politique centralisé, une capitale (d'un pays immense), une muraille au nord anti-invasion, des routes, des commerces, une aristocratie, des classes sociales…
Au V siècle après J.-C., ils avaient déjà des techniques de construction, des connaissances, des inventions, un système d'écriture, des religions, des philosophies… Mais aussi une énorme flotte navale, pour naviguer dans leurs rivières immenses mais aussi dans le Pacifique, pour les échanges commerciales, le transport de matériaux, etc.
Pourquoi je parle du V siècle ? Parce que c'est l'époque où ils ont enfin décidé d'aller explorer l'océan à est. Bon, ils ont eu de la chance parce que l'océan de ce côté s'est avéré assez court : ils sont tombés tout de suite sur les îles juste en face. Un archipel très long avec 4 îles majeures et tout un tas de petites îles. Aujourd'hui on appelle ça le Japon.
Au Japon, nos explorateurs intrépides et entreprenants découvrent une population similaire, avec les mêmes traits du visage, mais avec qui ils ont du mal à communiquer. Non seulement parce que les deux langues sont très différentes l'une de l'autre (vraiment rien à voir), mais aussi parce que les indigènes sont des personnes sans culture. Ils mènent une vie assez primitive, si on peut ainsi dire. Ce sont des agriculteurs, des éleveurs, des gens qui font très bien la céramique, mais qui n'ont pas un État. Ils ne savent même pas ce que veut dire, une organisation politique. Ils sont organisés en petits villages sans une vraie connexion. Il n'y a pas vraiment de rues, d'écoles, d'hôpitaux, de centres commerciaux, de livraison à domicile, spa, terrains de foot, maquillage permanent, karaoké ou bar à chats.
En plus de parler une langue incompréhensible, ce peuple n'a pas encore idée qu'une langue puisse s'écrire ! Les chinois se retroussent les manches et montrent aux indigènes cette grande nouveauté : l'écriture. Tu vois des fois la malchance ! Si ça avait été les romains, à explorer le Japon, ils auraient enseigné aux japonais à écrire en caractères latins, et moi j'aurais pas galéré autant à l'université ! Mais non ! Les pauvres ils sont tombés sur un système d'écriture conçu par un cerveau tordu et sadique.
L'écriture chinoise, elle est comment ? Elle est idéographique. Pas phonétique. Idéographique ! Tu vois ce que je veux dire ? Dans mon alphabet, j'écris G, et ça veut juste dire "le son G". Avec les idéogrammes, la chanson change. J'écris un petit gribouillage, et tout seul ça veut dire "maison"; "livre"; "araignée"; "bouillon cube"; "forêt amazonienne".
Les chinois sortent donc du chapeau des milliers et des milliers de kanjis, et ils font ça dans une langue totalement différente, et à la prononciation absurde (pour les oreilles japonaises bien sûr : pour les chinois c'était joli). Un peu comme mon accent quand je parle français (de ma prononciation en japonais, par contre, j'en suis assez fière !).
La paix des champs agricoles et des élevages laisse ainsi la place à un bouillonnement culturel qui révolutionne la vie quotidienne. Au debut les japonais se grattent un peu la tête, mais vite ils comprendront que cette écriture finalement est un outil très pratique. En dehors du fait qu'on peut laisser un petit mot à sa dame après une nuit passée ensemble, il y a le fait qu'avec des documents écrits, les commerces deviennent quelque chose de sérieux : les calculs des prix, du poids de la marchandise…
À force d'écrire, l'attitude change. Les idées s'expriment après un temps de réflexion. Leur transmission devient concrète, et éternelle. Le besoin de normes, et de règles officielles contribuent à la formation de cette nouvelle société. On commence à écrire des lois, à établir des hiérarchies, des classes sociales, un chef puissant. Le Japon devient alors rapidement un Empire à son tour. Normal : leur modèle est la Chine. Ils n'ont pas entendu parler de simples royaumes ou de républiques. Ce sera donc empire ou rien.
Avec un empereur, la cour impériale, le palais impérial, l'aristocratie à la cour impériale, les vêtement en soie impériale, les fêtes impériales, les concerts, l'orchestre impériale… Ah-aaaah, l'orchestre ! On sent venir le tambour dans l'histoire. Et oui, parce que la question, au début de ce discours, était bien ça : qui a eu l'idée de ces instruments de musique monstrueusement lourds, encombrants et bruyants ? Découvrons-le.
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