La naissance du taïko trouve sa place dans la mythologie. Plusieurs versions existent. J’en ai retrouvée une dans mes archives, que je vous présente ici, après l’avoir « restaurée » (pas mal de fautes de transcription étaient présentes). Je n'en connais pas la source, mais elles sont toutes belles...
« Il était une fois, à une époque si lointaine que de mémoire d’homme, on n’en a plus de souvenir, que le dieu des tempêtes, Susanoo-no-Mikoto quitta sa demeure des mers et commença à ravager la terre. Sa rage bouleversa tellement sa sœur, la déesse du soleil Amaterasu Ohmikami, qu’elle s’enfuit dans une caverne, faisant rouler un rocher sur l’entrée et jurant de ne plus jamais se montrer. Le monde tomba dans l’obscurité et les démons qui étaient cachés surgirent et se mirent à roder librement sur la terre alors plongée dans une nuit éternelle.
Sachant que toute vie était condamnée sans la présence d’Amaterasu, les dieux du Ciel et de la Terre s’assemblèrent près de l’ouverture de la caverne. Ils discutèrent. Ils implorèrent. Ils menacèrent. Finalement, ils essayèrent d’enlever le rocher qui obturait l’entrée de la caverne, mais la déesse en colère ne voulut pas quitter son refuge. Toute la création semblait condamnée.
Ceci dura jusqu’à ce qu’Ame-no-Uzume-no–Mikoto, une petite déesse toute ridée par l’âge et par son habitude de sourire, arriva parmi les autres dieux et déclara qu’elle pouvait amadouer Amaterasu et l’amener à quitter la caverne. Les dieux les plus puissants la regardèrent et ricanèrent. Ame-no-Uzume-no-Mikoto leur sourit puis se versa le saké d’un énorme tonneau, se mit ensuite dessus et commença une danse effrénée. Ses pieds tapant bruyamment, lourdement, frénétiquement firent un vacarme tel qu’on n’en avait jamais entendu auparavant. Le rythme était si vif, si contagieux que bientôt les autres dieux furent pris dans ces manifestations orgiaques et commencèrent à danser et aussi à chanter.
La musique remplit la terre et la célébration devint si bruyante qu’Amaterasu jeta un coup d’œil hors de son repaire et voyant des visages joyeux, donna de nouveau sa lumière à la terre. C’est ainsi que la lumière revint sur terre, que Susanoo fut banni et que naquit la musique Taiko. »
Voici donc ce que raconte une des variantes d’une vieille histoire qui a son origine dans le Nihon Shoki, chronique datant des 7e et 8e siècles après J-C. Il s’agit d’un pur mythe. Mais les mythes, ce sont notre histoire, l'histoire de notre âme/conscience/vie sociale. Ils ne sont pas quelque chose d'extérieur à l'humanité.
La "descente" d'Amaterasu dans le côté
obscur est nécessaire pour la renaissance, comme notre voyage dans les profondeurs de nos colères, nos peurs, nos traumatismes, est nécessaire pour nous connaître et pour nous reconstruire. Mais oh, combien douloureux.
J'ai tenté de décrire cette douleur dans mon spectacle sur ce mythe:
Bien que notre culture ait beaucoup évolué, nous portons encore en nous l'héritage génétique de nos ancêtres des cavernes. Ainsi, lorsque nous écoutons le rythme d'un tambour, nous ressentons une sensation qui nous relie à nos racines primitives. Plus spécifiquement, le son du taiko évoque en nous les battements du cœur de notre mère alors que nous étions encore dans son ventre.
Cette expérience est universelle parmi les êtres humains. Elle nous transporte inconsciemment dans le passé. Est-ce pour un sentiment de protection ? Peut-être, mais je crois que ce à quoi nous sommes renvoyés, dans cet état, c'est à la pureté. Un état où l'enfant échappe à la contamination du monde et de ses influences.
Cette pureté est celle d'être non altéré. Non altéré par les préjugés. Non altéré par les contraintes sociales. Non altéré par les multiples stimulations de la vie quotidienne. Non altéré par la colère, le mécontentement, les rêves perdus. Dans cet état, tout reste encore possible. Il n'y a pas de "je dois être", "je dois devenir", "je dois faire"... L'individu est dénudé de toutes ces constructions et peut retourner à son essence.
Je vois une métaphore dans le geste d'Ame qui vide le tonneau. Elle absorbe le saké, cette substance qui obscurcit notre jugement, qui nous enlève notre clarté d'esprit, pour une cérémonie. Et le tonneau demeure vide, représentant l'humain dans sa pureté originelle. Et quoi de mieux que de célébrer cette redécouverte de soi-même par une danse de joie ? C'est mon interprétation personnelle. N'hésitez pas à partager la vôtre dans les commentaires, et ajouter des éléments qui m'ont échappés si vous en avez.
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